A few Articles and Quotes

En Francais :

Les peintures très "zen" de Tony Harding Il y a incontestablement matière à méditer, dans les peintures de Tony Harding. Une méditation douce, qui n'emprunte ni au romantisme habituel du figuratif, ni à l'agressivité qui est souvent le lot de l'abstrait. Bien sûr, la peinture de Tony Harding est à classer dans cette dernière catégorie, mais elle témoigne d'un abstrait poussé à l'extrê- me. Un peu comme si le passage par la représentation d'une chose - fût-elle déformée n'était même plus nécessaire à l'artiste. Seule demeurent la forme, les espaces, la couleur, toutes données qui parlent autant "autour" du tableau que dedans. Certes, les dénigreurs de l'art "carré blanc sur fond bleu" auront du grain à moudre. Facile. Ils auront seulement oublié que le "minimum" est une valeur pour certaines cultures, bien loin, il est vrai, de la nôtre.

En Français :

Un peintre en quête de l'essentiel. Ce peintre anglais nous fait découvrir une forme d'art contemporain. Simplicité des formes et des couleurs qui mérite de s'y attarder. Une toile d'un jaune lumineux, une autre bleu outremer dans laquelle se noie un rectangle gris ou un cadre offrant une "porte" rouge sur un fond noir, tels sont les tableaux déroutants qu'expose jusqu'au 8 mars à la Chapelle de la rue de Verdun, un peintre anglais Tony Harding. Cette peinture contemporaine a de quoi désarçonner, dans un premier temps, le profane comme l'amateur d'art figuratif. Pourtant, les œuvres que nous propose le plus audois des artistes britanniques - il est installé depuis six ans à Azille- méritent de prendre le temps de poser un autre regard sur ces tableaux "étranges" de simplicité. Difficile pour un artiste d'exprimer par les mots ce qu'il a voulu dire à travers les formes et les couleurs de ses tableaux. Instant unique. Tony Harding se lance cependant dans une tentative d'explication qui éclaire, si besoin est, ses œuvres, « La source de ma peinture est qu'il y a dans la vie de chacun des moments où la notion d'individualité, du soi unique est subitement noyée dans la conscience que toutes choses ne forment qu'un tout indissociable. Cet instant ne se produit qu'une fois dans une vie et ne dure que quelques secondes. Pendant de tels instants, présent, passé, futur ne se distinguent plus, ils se mélangent. J'essaye dans mon travail de suggérer ces moments et de donner corps à l'inexprimable. » La peinture de Tony Harding relève plus de l'émotionnel que du réel. Dans cette recherche de l'essence de la peinture, cette quête de l'essentiel, Tony Harding compose avec les couleurs, l'espace et les formes pour atteindre la simplicité. Pour apprécier ces tableaux à leur juste valeur, une seule recommandation : prenez le temps d'admirer chaque œuvre. « On est habitué dans notre société à zapper. Observez les gens dans les musées, ils passent sans s'arrêter. Il faut réapprendre à s'arrêter et contempler un tableau sans rechercher forcément une explication. Lorsqu'on écoute Bach, on ne cherche pas de sens à la musique. On est bouleversé ou on ne l'est pas. » Tony Harding a quitté sa Grande-Bretagne natale (il est né à Londres) et l'île de Wight pour fuir ce qu'il appelle le "colonialisme américain". Il se revendique européen et veut voir grandir ces enfants dans un pays pas encore envahi par les valeurs matérialistes de l'Oncle Sam. « Je ne voulais plus subir les valeurs matérialistes, sans âme et sans moralité, que véhiculent les Américains. Avec eux, c'est toujours la loi du plus fort ». Et cette philosophie de la vie, on la retrouve dans ses toiles. Pas d'artifices, pas de gadgets, seul l'essentiel a sa place sur la toile.

Quelques mots de L’artiste en Français :
Ce que l'on voit en regardant un tableau est moins important que l'idée qui fait partie intégrante de l'image. Dans les Variations Dominique, généralement composées de trois couleurs, j'essaie d'atteindre l'harmonie par la juxtaposition de dynamiques chromatiques et compositionnelles, où chaque élément cherche à dominer l'autre. Mais en atteignant le point où chacun cherche à dominer l'autre, ils sont enfermés dans un équilibre commun. Pour moi, une peinture ne réussit que lorsqu'elle est capable d'exprimer l'idée qui a déclenché sa création.

In English :

The very "Zen" paintings of Tony Harding There is undoubtedly something to meditate on in the paintings of Tony Harding. A gentle meditation, which borrows neither from the usual romanticism of the figurative, nor from the aggressiveness which is often the lot of the abstract. Of course, Tony Harding's painting is to be classified in the latter category, but it shows an abstract pushed to the extreme. It is as if the artist no longer even needs to represent a thing - even if it is deformed. Only the form, the spaces, the color remain, all data that speak as much "around" the painting as inside. Certainly, the denigrators of the art "white square on blue background" will have something to grind. Easy. They will have only forgotten that the "minimum" is a value for certain cultures, far, it is true, from ours.

Tony Harding dompte la lumière. Ce peintre d'art contemporain est l'exemple même du citoyen européen. Tony Harding, artiste peintre anglais, s'est installé à Azille, voici trois ans avec tréteau, toiles et bagages dans une maison du vieux village, avenue des remparts. Avec sa petite famille (sa femme et ses trois enfants), il arrivait tout droit de l'île de Wight (au Sud de l'Angleterre), bien connue pour son festival de rock. Les raisons de ce changement de cap à 180 degrés, Tony Harding les résume très simplement. "Je suis avant tout un Européen. En venant en France et à Azille, j'ai voulu que mes enfants grandissent dans un pays européen où les idées et les valeurs morales n'ont pas été colonisées par les Américains." Cet Anglais pur souche, né à Londres, a connu au cours des années "Thatcher" une Angleterre qui a changé d'orientation politique, délaissant le continent européen pour se rapprocher des États-Unis. "J'aime les artistes contemporains américains, mais je ne veux pas subir l'influence de leur pays et les valeurs matérialistes, sans âme et sans morale qu'ils véhiculent. Avec eux, est toujours la loi du plus fort et le héros se confond bien souvent avec le vilain", explique-t-il avec un accent très british.

Goodbye à Ile de Wight

En 1990, les Harding décident donc de quitter leur île et de débarquer sur le vieux continent. Après avoir séjourné quelques semaines à Fraïsse-en-Corbières, ils vont trouver le village "idéal" à Azille. Tony Harding n'a pas hésité à visiter, en une semaine, 35 communes de la région avant de faire son choix. Tony Harding trouve la lumière et l'inspiration, sous les toits, dans son atelier. (Photo Carlos Recio) Ce qui m'a plu ici, c'est que le village a gardé son caractère. Il n'est pas traversé comme beaucoup d'autres par une "nationale", il a gardé son âme, confie-t-il. A la différence de la Grande-Bretagne, où le chômage a brisé l'unité des familles, ici dans cette région viticole, les gens ont de véritables racines. Or pour comprendre qui on est, il faut savoir d'où on vient.

Installé aujourd'hui à Azille, Tony Harding a enfin trouvé le contexte idéal pour peindre ses tableaux d'art contemporain. Pour s'isoler, très souvent. Quand l'inspiration frappe à la porte de son atelier, Tony Harding se concentre sur une toile et peint. Dans cet ancien grenier baigné par la lumière du soleil qui traverse les lucarnes, l'artiste peut se laisser aller à son imagination. La création a toujours été son domaine. Il a toujours été artiste peintre et a multiplié les emplois dans la communication, comme journaliste économique, que pour le "Financial World". Mais cette fibre artistique provient certainement aussi de ses racines. Mon père était un dessinateur connu qui travaillait pour les journaux. C'est un peu l'équivalent de Sempé chez vous. Mon grand-père était lui aussi un artiste puisqu'il rénovait les vi- ... C'est donc au tour de Tony de prendre, en quelque sorte, le flambeau dans un tout autre registre. Peintre d'art contemporain, il n'a jamais pensé marcher sur les traces de son père. "Il était l'un des meilleurs dans son domaine. Je le voyais dessiner tous les jours, la magie avait donc disparu, je me suis donc naturellement orienté vers une autre voie."

En l'espace de ces trois ans de vie en France, Tony a pris le temps de trouver de nouveaux repères dans la vie de tous les jours et dans sa peinture. Premier constat pour l'artiste, le changement de couleurs. "J'ai constaté que je peignais des tableaux plus clairs et plus lumineux qu'en Angleterre. L'influence du soleil et du paysage," explique-t-il. De la lucarne de son atelier où il se plaît à rêver, il contemple le Minervois. "Ce pays est imprégné de plusieurs cultures. Les Romains, les Wisigoths, plus tard les Espagnols et même les Anglais (le chevalier noir a fait brûler Azille) sont venus ici," raconte-t-il, l'œil fixé à l'horizon.

Aujourd'hui, Tony prépare plusieurs expositions, dont une l'an prochain à la Maison du Chevalier à Carcassonne et une autre à Montpellier. Il joue avec les couleurs, utilisant des formes rectangulaires simples. Son principal travail consiste à dompter les couleurs et la lumière des tableaux. Il conclut cependant en déclarant : "On peut lire un tableau, mais on ne doit pas forcément exprimer ce que l'on ressent. C'est la liberté de chacun."

Quelques mots du Maître :

Ce qui est important dans mes œuvres, c'est cela même qui n'est pas exprimé. Il y a une absence de marques de brossages. Mes tableaux existent en tant que tels, j'essaie d'en abstraire l'évidence de moi-même. J'utilise une matière acrylique avec un liant mat, ainsi les couleurs absorbent la lumière intérieure. Le format modeste de mes œuvres est le miroir de ma pensée : le monde moderne, et spécialement celui des plastiques, est devenu trop occupé et impressionné par le format ou l'installation. Mes tableaux ne cherchent pas le commentaire, ils recherchent le silence et suscitent la réflexion.

En Français :
Les œuvres récentes de Tony Harding dévoilent une évidence qui dissimule tout. Elles se déploient dans des registres aux formes simples, aux géométries radicales, aux coloris faussement francs - en réalité mutants - souvent mêlés de manière binaire. Mais l'imagination ainsi convoquée ne peut être ni tranquille, ni aisée, ni aussi simple que la représentation qui la suscite. Tony Harding fait appel à un "œil voyant" qui nous trompe pour mieux nous guider. L'enjeu auquel Tony Harding s'astreint en jouant avec ces équilibres fragiles est de maintenir une pure abstraction qui interdit tout retour - en particulier tout retour de l'œil voyant - à l'effet de la nature. La force des œuvres récentes d'Harding puise dans cette tension vitale où l'abstrait rend le concret prévisible et acceptable.

Comme c'est l'habitude à la galerie Utile, 1897, cet artiste est présenté en duo avec un céramiste de même esprit, Tjok Dessauvage.

Tony Harding (photo Daníel Solé). L'avenir n'est pas ici, mais le présent y est plus réel, c'est le paradoxe. Tony Harding nous pose en quelques mots une évidence que je ressentais depuis longtemps sans vraiment avoir pu la formuler. Nous sommes à Azille, à quelques kilomètres d'Olonzac, dans un beau village du Minervois, sur une longue circulade, ces promenades ombragées qui suivent le parcours des anciennes fortifications. Nous buvons un café à la terrasse après avoir visité l'exposition de ses dernières œuvres dans l'atelier du sculpteur Henri Delanne, transformé en galerie pour l'occasion : Sa peinture est sobre, épurée, hors mode, dans la lignée de Mondrian. Lui vient de Londres, depuis cinq ans il vit ici. Son grand-père dessinait des vitraux pour les églises, son père faisait des dessins humoristiques, quand il est entré à l'école il s'étonnait que ses copains n'aient pas des parents artistes. Avec eux il a vu, beaucoup vu d'expositions, de musées, d'œuvres d'art. Il faut voir pour apprendre. En Angleterre, aux Beaux-Arts, on écrit, on lit, c'est très intellectuel, pas visuel. Les grands artistes sont toujours en dehors de l'analyse. Il y a quelque chose qui échappe, qui ne peut être tenu par les mots. Le critique lui, il faut qu'il vive, qu'il écrive, qu'il montre qu'il est un véritable spécialiste parce que personne ne comprend ce qu'il dit. Cela peut bloquer la vision du spectateur. C'est très difficile de regarder aujourd'hui. Il y a des images partout. Lorsque nous parlons, il faut attendre que les voitures soient passées pour s'entendre ; c'est la même chose avec la vision, il faut s'arrêter. L'invasion des images, leur accélération sont une de ses préoccupations. Le départ de Londres, l'arrivée dans ce village de l'Aude, ont visiblement marqué sa perception du monde. Les derniers dix ans en Europe ont vu un changement dans la sensibilité des gens. Les décisions sont prises à court terme. J'ai appris ça ici, parce que le temps c'est la vigne, un temps naturel. À Londres le temps est devenu mécanique, il détruit l'humain. Au vernissage de l'exposition, beaucoup de gens du village sont passés. La plupart, je pense, n'avaient jamais vu ce genre de choses. Les questions étaient vraies. Ailleurs on pose souvent des questions seulement pour démontrer ses connaissances. La peinture de Tony Harding, abstraite, géométrique, peut jouer dans des couleurs chaudes mais aussi en noir et blanc. Il met en parallèle sa démarche avec celle des Cathares. Il ne s'agit pas de théologie mais plutôt de dépouillement, d'effacement de l'individu, du peintre au profit d'une œuvre qui donne au spectateur l'occasion de se découvrir. Il dit de ses tableaux qu'ils ne cherchent pas le commentaire mais le silence. C'est une démarche à l'opposé de la conception romantique de l'Artiste. Mais il n'a pas trouvé qu'un certain art de vivre, il a aussi découvert des couleurs.

La lumière m'a frappé immédiatement. Elle montre les couleurs. J'ai toujours utilisé des tons foncés, ici la lumière m'a libéré. Je prends les couleurs de la nature, pas consciemment, mais après je les reconnais dans mes toiles, je sais où je les ai vues. J'utilise des jaunes et des violets que je ne trouvais pas en Angleterre, et aussi des gris qu'on ne peut pas jouer sans la lumière. Regardez ces volets, la chaleur de ce gris. Et les portails avec la marque du temps qui a passé, on pourrait les prendre tels quels et les exposer. Mon atelier est dans un grenier, j'ai fait des ouvertures dans le toit et mis des Velux. Je travaille avec des pigments et la lumière naturelle. Le pigment est très sensible pour faire changer la teinte, beaucoup mieux que le tube.

La matinée passe à la terrasse du bistrot d'Azille, Tony Harding parle avec passion de sa peinture et du monde. Il semble écartelé entre un humanisme profond et un pessimisme fondamental, mais c'est le plus souvent l'humanisme qu'il peint malgré ce qu'il peut dire de l'ardeur de peindre, à moins que cela ne rejoigne le paradoxe du début.

Le peintre travaille seul, quand il arrête de travailler il est comme un fou parce qu'il rejoint les autres humains. Dans l'atelier il n'est pas humain.

Jean Pougnet

L'oeil voyant et la sorcière (sur les oeuvres récentes de Tony Harding) :


Les œuvres récentes de Tony Harding ont trop d'évidence pour ne rien cacher. Elles sont là, simples, belles, parfaites d'équilibre dans des registres aux formes simples, aux géométries radicales, aux coloris faussement francs - en réalités mutants - mêlés le plus souvent sur un mode binaire. Les compositions sont rigoureuses, presque brutales, ou comme inavouées, et atténuées d'arrondis.

Pourtant il faut dire et énoncer comment. Elles sont "par ce que leurs simplicités affichées répondent à une exigence. Elles sont en effet conformes à ce que l'œil exige. Et l'on doit d'abord les saisir pour elles-mêmes et les saisir ainsi parce que l'œil est assuré d'y trouver une fraîcheur qu'il ne peut d'abord ressentir, simplement par ce qu'elle est intimement sienne. L'œil ne peut donc que nous conduire à penser une condition nécessaire, un socle sur lequel pourra naître un imaginaire.

Mais l'imagination ainsi convoquée ne saurait être ni tranquille, ni aisée, ni aussi simple que la représentation qui la provoque. Tony Harding en appelle à un "œil voyant" qui nous abuse pour mieux nous conduire. Celui-ci est au-delà du regard, dans une quatrième dimension ou une autre plus inconnue et plus mésestimée encore, décrite ainsi par Lawrence Ferlinghetti (1): "il (l'œil voyant) voyait tout et ne comprenait rien, pourtant il voyait et comprenait tout sauf moi-même."

C'est que la posture que l'œil voyant nous impose est de dépasser l'anecdote formelle, le stimulus des couleurs, ces fragments pièges que nous tenons pour une totalité. Totalité d'ailleurs fragile, car il ne s'agit que d'une somme dont tout nouvel élément survenant, interne ou externe, ajouté ou sous-traité, romprait l'équilibre.

En réalité, une rupture s'est produite ou une mutation. Notre œil ordinaire de regardeur est à son tour, ou son tour venu, un "œil voyant". En conséquence, nous ne pouvons pas laisser aller notre imagination, mais paradoxalement nous ne pouvons lui assigner un nouvel imaginaire que par un nouvel ordre de laisser-faire. Nous devons, pour reprendre une formule célèbre de Sol Lewitt (2), nous ouvrir à des jugements irrationnels conduisant à une expérience nouvelle pour peu qu'une pensée, elle aussi irrationnelle, surgisse absolument et logiquement.

Le travail de Tony Harding opère à ce moment-là une manière d'échange... Puisque nous partageons cet œil voyant qu'il a institué, nous devons en retour accepter et assumer son invitation à faire, comme lui, survenir l'action. Car au cœur de ses propositions, il y a cette certitude que le beau est une imagination faite action. Ce qui revient à poser préalablement - et c'est décisif - qu'il nous faut éprouver le concret d'une action par une réappropriation préalable de l'abstraction ! Soit, probablement, une façon d'être au monde, une éthique.

Car il y a bien d'autres nœuds de sens au cœur de cette série d'œuvres. On se souviendra d'abord des partis pris ou des seuils énoncés par Kandinsky pour une nécessité "historique" de l'abstraction en tant que "quête esthétique d'une idée" (3). À quoi l'on peut ajouter cette remarque plus contemporaine de Toni Negri : "hors de l'abstrait, il n'y a que l'indécence d'une vie naturelle déjà morte" (4).

Il faut alors revenir à ce qui se joue dans les œuvres récentes d'Harding. Ses propositions reviennent à nous confronter - et à se confronter lui-même - à une représentation arbitraire donnée comme fixe mais dont la virtualité s'affiche dans le même temps. Il s'agit là d'une sorte d'enjeu, et chaque œuvre renouvelle la mise. Enjeu qui n'a de sens que dans la tenue d'un équilibre car le destin de ses formes colorées n'est pas de tenir dans le cadre qu'il leur assigne, mais au contraire d'en tomber, de s'en échapper, de passer hors-cadre. Il s'agit là d'une sorte de dialectique entre deux logiques absolument survenues et matérialisées. Celle qui tient le cadre, l'en dedans, et celle qui, de l'en dehors, l'assaille. Or ce dispositif "abstrait" est paradoxalement similaire à un effet de naturel. Ainsi si les ressources manquent, les populations animales ou humaines croissent ou décroissent et/ou nomadisent. Cet abstrait-là est donc toujours menacé d'un vivant mortel !!

L'enjeu que s'impose Tony Harding en jouant sur ces équilibres fragiles, c'est donc de tenir une abstraction pure interdisant tout retour - et singulièrement tout retour de l'œil voyant - à l'effet de nature. C'est pour cela qu'il s'astreint à une position d'entre les logiques, car laisser percer celle du dehors contre celle du dedans, ou permettre au-dedans de se répandre au-dehors, condamnerait immanquablement son action créatrice. De plus, toutes les logiques admises ou plus admises que d'autres sont dangereuses car le "trop logique se laisse abuser par la sorcière" (W.H Auden). Et la sorcière de l'artiste n'est jamais ailleurs que dans lui-même. Comme les nôtres d'ailleurs sont en nous forcément.

La force des œuvres récentes d'Harding se nourrit de cette tension vitale, où l'abstrait finalement rend le concret prévisible et acceptable. C'est elle qui nous capte, et nous séduit. Et leurs beautés, comme de sublimes mathématiques, nous sidèrent et nous habitent. Elles pourraient même nous effrayer si elles n'étaient pas porteuses d'un geste constructeur qui rassure. C'est tout cela bien sûr qui nous aura d'emblée arrêtés et qui témoigne de la maîtrise et de la pertinence du travail actuel de Tony Harding.

Daniel Bégard. 2.11.07

Notes:

  1. Lawrence Ferlinghetti, "La quatrième personne du singulier," Julliard 1961.

  2. Sol Lewitt, "Sentences on conceptual art," 1969.

  3. Kandinsky, "Du spirituel dans l'art," 1955.

  4. Toni Negri, "Art et Multitude," Atelier/Epel, 2005.

Tony Harding dompte la lumière.

Cet artiste anglais vit à Azille avec sa femme et ses trois enfants. Ce peintre d'art contemporain est l'exemple même du citoyen européen. Tony Harding, artiste peintre anglais, s'est installé à Azille, voici trois ans avec tréteau, toiles et bagages dans une maison du vieux sa avenue des remparts. Avec petite famille (sa femme et ses trois enfants), il arrivait tout droit de l'île de Wight (au Sud de l'Angleterre), bien connue pour son festival de rock.

Les raisons de ce changement de cap à 180 degrés, Tony Harding les résume très simplement. Je suis avant tout un Européen. En venant en France et à Azille, j'ai voulu que mes enfants grandissent dans un pays européen où les idées et les valeurs morales n'ont pas été colonisées par les Américains ». Cet Anglais pur souche, né à Londres, a connu au cours des années "Thatcher" une Angleterre qui a changé d'orientation politique, délaissant le continent européen pour se rapprocher des États-Unis. J'aime les artistes contemporains américains, mais je ne veux pas subir l'influence de leur pays et les valeurs matérialistes, sans âme et sans moralité, qu'ils véhiculent. Avec eux, c'est toujours la loi du plus fort et le héros se confond bien souvent avec le "vilain" explique-t-il avec un accent «very british». Goodbye à bouger l'île de Wight 950.

En 1990, les Harding décident donc de quitter leur île et de débarquer sur le vieux continent. Après avoir séjourné quelques semaines à Fraïsse-en-Corbières, ils vont trouver le village "idéal" à Azille. Tony Harding n'a pas hésité à visiter, en une semaine, 35 communes de la région.

C'est donc au tour de Tony de prendre, en quelque sorte, le flambeau dans un tout autre registre. Peintre d'art contemporain, il n'a jamais pensé marcher sur les traces de son père. « Il était l'un des meilleurs dans son domaine. Je le voyais dessiner tous les jours, la magie avait donc disparu, je me suis donc naturellement orienté vers une autre voie ».

En l'espace de ces trois ans de vie en France, Tony a pris le temps de trouver de nouveaux repères dans la vie de tous les jours et dans sa peinture. Premier constat pour l'artiste, le changement de couleurs. J'ai constaté que je peignais des tableaux plus clairs et plus lumineux qu'en Angleterre. L'influence du soleil et du paysage explique-t-il. De la lucarne de son atelier où il se plaît à rêver, il contemple le Minervois. « Ce pays est imprégné de plusieurs cultures. Les Romains, les Wisigoths, plus tard les Espagnols et même les Anglais (Le chevalier noir a fait brûler Azille) sont venus ici », raconte-t-il, l'œil fixé vers l'horizon.

Aujourd'hui, Tony prépare plusieurs expositions dont une, l'an prochain, à la maison du chevalier à Carcassonne. « Ce qui m'a plu ici, c'est que le village a gardé son caractère. Il n'est pas traversé comme beaucoup d'autres par une "nationale", il a gardé son âme », confie-t-il.

« À la différence de la Grande-Bretagne, où le chômage a brisé l'unité des familles, ici dans cette région viticole, les gens ont de vraies valeurs familiales. Pour comprendre qui on est, il faut savoir d'où on en vient ».

Installé aujourd'hui à Azille, Tony Harding a enfin trouvé le contexte idéal pour peindre ses tableaux d'art contemporain. Pour cela, l'homme s'isole très souvent. Quand l'inspiration frappe à la porte de son atelier, Tony F Harding peint. Dans cet ancien grenier baigné par la lumière du soleil qui traverse les lucarnes, l'artiste peut se laisser aller à son imagination.

La création a toujours été son domaine. Il a toujours été artiste peintre et a multiplié les emplois dans la communication, travaillant même pour le "Financial world". Mais cette fibre artistique provient certainement aussi de ses racines. Mon père était un dessinateur connu qui travaillait pour les journaux. C'est un peu l'équivalent de Sampé chez vous. Mon grand-père était lui aussi un artiste puisqu'il rénovait les vieilles maisons.

Tony joue avec les couleurs, utilisant des formes rectangulaires simples. Son principal travail consiste à dompter les couleurs et la lumière des tableaux. Il conclut cependant en déclarant : « On peut lire un tableau, mais on ne doit pas forcément exprimer ce que l'on ressent. C'est la liberté de chacun ». Patrick Bessodes

 

Pierre Manuel

Entretien avec Tony Harding sur The Untitled Grey Series

Février 2002

 

Un village du Minervois. Une maison simple en bordure des remparts. Sous les combles, l’atelier d’un peintre anglais, très improbable dans ce lieu. Transparence et luminosité, variations colorées sont absentes de son travail. Le regard du peintre s’est détourné de la floraison du monde et a depuis longtemps refusé les défis du plus que moderne. L’élargissement et la densification de l’expérience temporelle, seulement, le hantent. Libérer l’espace des choses qui y naissent et y meurent, l’occupent ou s’y déplacent ; sauver le temps des temporalités particulières et orientées où il s’incarne et se dissout. Comme en quelques monolithes où le temps est capturé, la peinture se saisit de l’espace depuis lui-même, fond et surface entremêlés.

Par delà l’écart des langues et par delà l’écart entre langage visuel et conceptuel, l’entretien tente d’approcher cet espace originaire.

 

P.M. : À part quelques toiles, dans l’atelier, qui ont conservé des contrastes de plages colorées, la majeure partie de tes œuvres joue sur des variations de noirs et de gris. Est-ce défiance envers les couleurs ? Ou accordes-tu au noir une valeur plastique ou symbolique particulière ?

 

T.H. : Pendant des années, j’ai utilisé les couleurs : elles sont porteuses d’émotions et de sensations, de tristesse comme de joie. Il y a un contenu émotionnel dans la nature même de la couleur. Mais il y a, en elles, une forme de divertissement, de diversion. Dans un joli bleu ou un joli rouge, il y a un plaisir sensuel, sensoriel. J’essaie de me défaire de cette forme de divertissement en me centrant sur les notions de rectangle, de verticales et d’horizontales. Rien de compliqué dans ces formes : l’essentiel est le pouvoir d’agir de la peinture, même au travers de paradigmes réduits. La série « Untitled grey series » a été commencée il y a 4 ans ; maintenant je désire faire des tableaux qui, bien que fidèles à la tradition occidentale de la peinture, transcende leur potentialité physique pour exprimer une mémoire, une pensée qui existe mais reste indéfinissable. Cette aspiration est évidemment irrationnelle mais je pense, parfois, que la rationalité n’est qu’une forme moins avancée de la folie…

 

P.M. : Les techniques que tu utilises te permettent d’obtenir des surfaces homogènes, presque lisses. Pourquoi ?

 

T.H. : Les techniques ne sont que des moyens et donc importent peu comme tels. Pour les dessins, j’utilise de l’encre de Chine sur papier. Pour les tableaux, j’utilise un liant acrylique et des pigments ;selon l’éclairage ou le tableau, j’applique jusqu’à cinquante couches très fines et très rapidement ; sans aucune trace ou expressivité gestuelle. J’essaie d’obtenir une unité de la surface en la traitant dans sa totalité de la même manière. Aucune rupture, aucun geste n’y sont introduits. Il n’y a aucun développement ou progression dans ce que je fais : j’essaie d’éviter toute notion de temps linéaire. Les « images » n’ont aucun point de départ, aucune trace de sur- impression visible et aucune fin, sauf le bord de la toile qui ,alors, devient lui aussi une partie de la composition d’ensemble.

Les dessins forment une suite parallèle ; bien que liés aux tableaux, ils ont une réalité indépendante et fonctionnent comme un contexte. D’une certaine manière, les dessins sont emprisonnés par la forme de leur composition et par l’encadrement (et le verre). Les tableaux ne sont, eux, limités que par le bord de la toile ; l’image reste libre de se dissoudre et de se reconstituer dans l’œil du spectateur. L’un est fixe ; l’autre fuit. L’un est concret ; l’autre flux.

 

 

P.M. : Le jeu des verticales et des horizontales, comme les emboîtements des surfaces peuvent faire penser à l’architecture. Non pas comme du bâti mais plutôt comme une concentration de forces, un foyer d’énergie.

 

T.H. : Si l’architecture consiste à placer des formes dans l’espace, elle ne m’intéresse pas. Par contre, s’il s’agit de briser ces formes pour libérer l’espace entre elles et autour d’elles là c’est autre chose… L’énergie est une notion difficile à cerner, dès qu’on sort d’un schéma linéaire, avec début et fin, dedans et dehors. Ce serait plutôt par des paradoxes qu’on pourrait l’approcher. Par exemple, celui entre l’image fixe qu’est le tableau et le mouvement de la perception qui, lui, ouvre des voies, inventant le sens de son mouvement. Si les formes ne sont pas faussement délimitées, elles laissent l’espace ouvert. L’énergie pourrait être cette ouverture dans l’espace clos du tableau. Dans une traduction approximative,on pourrait reprendre les formules orientales :             

                                La forme est le vide et le vide est forme.

                                La forme n’est rien d’autre que le vide ;

                                Le vide n’est rien d’autre que forme.

                                Ce qui est forme est vide, et ce qui est vide est forme.

                                (Prajma Paramita Hridaya Sutra)

 

P.M. : Dans la superposition des surfaces, il y a un passage permanent du fond et des formes, au point qu’il est impossible de distinguer les unes des autres. Comment ne pas penser à Mondrian ou même au constructivisme ?

 

T.H. : À la fin des années 60, j’ai visité de nombreuses galeries, privées et publiques à Londres et tout particulièrement la galerie Annely Juda qui était la première à montrer des dessins et tableaux russes des années 1912 (des dessins de Malevitch, des tableaux de Popova, d’El Lissitsky). J’ai réagi très fortement à la manière dont Malevitch posait l’espace ou plutôt le non-espace. Dans le cubisme, l’espace comme les objets avaient  été fracturés ; dans cette fracturation, un équilibre était malgré tout trouvé : une « symbiose ». Chez Malevitch, les formes colorées sont comme des phrases dynamiques, laissant respirer le fond de la toile, dans une sorte de respect. L’espace est cette respiration entre les formes et le fond. L’espace entre les mots est aussi important que les mots ; sans lui, on ne peut les lire.

Chez Mondrian, les formes colorées ne sont pas posées sur un fond blanc comme des éléments décoratifs ; elles sont articulées avec ce fond, lui-même surface peinte. Cette articulation n’est jamais montrée pour elle-même : formes et fond trouvent leur place dans l’œuvre totale, selon un respect mutuel et une relation d’équilibre. D’où le désaccord avec Van Doesburg, sur l’utilisation de diagonales qui briserait cet équilibre.

 

P.M. : L’idée de totalité revient souvent dans tes propos ; elle est aussi difficile à cerner que celle d’énergie. On ne peut la confondre ni avec l’unité et la cohésion des éléments assemblés sur une même surface ; ni non plus avec une tentative de totalisation de l’histoire de l’art. Comment peut-on pourtant approcher cette idée ? 

 

T.H. : Là où un tableau arrive à se libérer de ses propres composantes et à « voler » vers un au-delà du tableau, vers une autre dimension du temps ‒ celle de la mémoire ‒, là il y aurait quelque chose de cette idée de totalité. Brice Marden disait : « Le rectangle, le plan, la structure, la peinture ne sont pas seulement des tables d’harmonie pour un esprit ». L’essentiel est dans le passage des éléments matériels du tableau à un espace non-matériel que l’on pourrait appeler « vide ». Ce mot suggère une idée de froid, de stérilité ; nous employons notre vie à remplir ce « vide » : par l’activité, par les objets, par les formes matérielles. La vie quotidienne exclut tout élément non- matériel. Mais tous les hommes cherchent à « rentrer chez eux ». Non pas à la maison mais dans le domaine où ils seront enfin libérés. Le « vide » est ce chez soi comme lieu véritable de refuge. Il ne faut pas penser ce « vide » sur le mode de la peur. Dans les tableaux de Rothko, pour la première fois, j’ai senti quelqu’un chercher ce refuge. À la fois, en dématérialisant les composantes du tableau et en proposant ce lieu de refuge.

 

 

                                                      Entretien réalisé le 14 février 2002 par Pierre Manuel 

In English :

A painter in search of the essential. This English painter makes us discover a contemporary art form. Simplicity of forms and colours that deserve to be seen. A luminous yellow canvas, another ultramarine blue in which a grey rectangle is drowned or a frame offering a red "door" on a black background, such are the disconcerting paintings that an English painter, Tony Harding, is exhibiting until 8 March at the Chapelle de la rue de Verdun. This contemporary painting may at first be disconcerting to the layman as well as to the figurative art lover. However, the works offered by the most local of the British artists - he has been living in Azille for six years - are worth taking the time to take another look at these "strange" paintings of simplicity. It is difficult for an artist to express in words what he wants to say through the shapes and colours of his paintings. A unique moment. Tony Harding does, however, attempt to explain his work, if necessary, "The source of my painting is that there are moments in everyone's life when the notion of individuality, of the unique self, is suddenly drowned in the awareness that all things are one indivisible whole. This moment occurs only once in a lifetime and lasts only a few seconds. During such moments, present, past and future are no longer distinguishable, they blend together. In my work I try to suggest these moments and to give substance to the inexpressible. Tony Harding's painting is more emotional than real. In this search for the essence of painting, this quest for the essential, Tony Harding composes with colours, space and forms to achieve simplicity. To appreciate these paintings to the full, there is only one recommendation: take the time to admire each work. "We are used to zapping in our society. Look at the people in the museums, they pass by without stopping. You have to learn to stop and contemplate a painting without necessarily looking for an explanation. When you listen to Bach, you don't look for meaning in the music. You are either moved or you are not. Tony Harding left his native Britain (he was born in London) and the Isle of Wight to escape what he calls "American colonialism". He claims to be European and wants to see his children grow up in a country not yet invaded by Uncle Sam's materialistic values. "I didn't want to be subjected to the materialistic, soulless and morally bankrupt values of the Americans. With them, it's always the law of the strongest. And this philosophy of life can be found in his paintings. No artifice, no gadgets, only the essential has its place on the canvas.

Tony Harding tames the light. This contemporary art painter is the very example of the European citizen. Tony Harding, an English painter, settled in Azille three years ago with his trestle, canvases and luggage in a house in the old village, avenue des remparts. With his small family (his wife and three children), he came straight from the Isle of Wight (in the South of England), well known for its rock festival. The reasons for this 180-degree change of direction, Tony Harding sums up very simply. "I am first and foremost a European. By coming to France and Azille, I wanted my children to grow up in a European country where ideas and moral values have not been colonised by the Americans. This pure Englishman, born in London, experienced during the "Thatcher" years an England that changed its political orientation, forsaking the European continent to move closer to the United States. "I like contemporary American artists, but I don't want to be influenced by their country and the materialistic, soulless and morally bankrupt values they promote. With them, it's always the law of the strongest and the hero is often confused with the villain," he explains with a very British accent.

Goodbye to the Isle of Wight

In 1990, the Hardings decided to leave their island and land on the old continent. After spending a few weeks in Fraïsse-en-Corbières, they found the "ideal" village in Azille. Tony Harding did not hesitate to visit, in one week, 35 communes in the region before making his choice. Tony Harding finds light and inspiration under the roof in his studio. (Photo Carlos Recio) What I liked here is that the village has kept its character. It is not crossed by a "national highway" like many others, it has kept its soul, he confides. Unlike in Britain, where unemployment has broken up families, here in this wine region people have real roots. And to understand who you are, you have to know where you come from.

Now settled in Azille, Tony Harding has finally found the ideal context to paint his contemporary art. To isolate himself, very often. When inspiration knocks at the door of his studio, Tony Harding focuses on a canvas and paints. In this old attic, bathed in sunlight through the skylights, the artist can let his imagination run wild. Creation has always been his domain. He has always been a painter and has had many jobs in communication, as an economic journalist for the "Financial World". But this artistic fibre certainly also comes from his roots. My father was a well-known cartoonist who worked for newspapers. He's a bit like Sempé in your home. My grandfather was also an artist, as he used to renovate houses. So it's Tony's turn to take up the torch, in a way, in a completely different register. A contemporary art painter, he never thought he would follow in his father's footsteps. "He was one of the best in his field. I saw him draw every day, so the magic was gone, so I naturally went in a different direction.

In the space of three years of living in France, Tony has taken the time to find new reference points in everyday life and in his painting. The first thing the artist noticed was the change of colours. "I found that I was painting lighter and brighter than in England. The influence of the sun and the landscape," he explains. From the skylight of his studio, where he enjoys dreaming, he contemplates the Minervois. "This country is steeped in many cultures. The Romans, the Visigoths, later the Spaniards and even the English (the Black Knight had Azille burnt down) came here," he says, his eye fixed on the horizon.

Today, Tony is preparing several exhibitions, including one next year at the Maison du Chevalier in Carcassonne and another in Montpellier. He plays with colours, using simple rectangular shapes. His main work consists of taming the colours and the light of the paintings. However, he concludes by saying: "You can read a painting, but you don't necessarily have to express what you feel. That is one's freedom."

A few of words of Wisdom from the Master:

What is important in my work is that which is not expressed. There is an absence of brush marks. My paintings exist as such, I try to abstract the evidence from myself. I use an acrylic material with a matte binder, so the colours absorb the inner light. The modest format of my works is a mirror of my thinking: the modern world, especially the plastic one, has become too busy and impressed by the format or the installation. My paintings do not seek comment, they seek silence and provoke reflection.

In English :
Tony Harding's recent works reveal an obviousness that conceals everything. They unfold in registers of simple forms, radical geometries, deceptively frank colours - in reality mutant - often mixed in a binary manner. But the imagination thus summoned can neither be tranquil, nor easy, nor as simple as the representation that gives rise to it. Tony Harding calls upon a 'seeing eye' that deceives us in order to better guide us. The challenge for Harding in playing with these fragile balances is to maintain a pure abstraction that prohibits any return - particularly any return of the seeing eye - to the effect of nature. The strength of Harding's recent work lies in this vital tension where the abstract makes the concrete predictable and acceptable.

As is customary at Galerie Utile, 1897, this artist is presented in duo with a like-minded ceramicist, Tjok Dessauvage.

A few words of the Artist in English :
What one sees when looking at a painting is less important than the idea which is an integral part of the image. In the Dominique Variations, generally composed of three colors, I try to achieve harmony through the juxtaposition of chromatic and compositional dynamics, whereby each element seeks to dominate the other. But in reaching a point where each seeks dominance, they are locked into a joint balance. For me, a painting only succeeds when it is capable of expressing the idea that triggered its creation.

The future is not here, but the present is more real, that is the paradox. In a few words, Tony Harding states the obvious, something I had been feeling for a long time without really being able to formulate it. We are in Azille, a few kilometres from Olonzac, in a beautiful Minervois village, on a long circulade, those shady promenades that follow the route of the old fortifications.

We drink a coffee on the terrace after visiting the exhibition of his latest works in the studio of the sculptor Henri Delanne, transformed into a gallery for the occasion: His painting is sober, uncluttered, out of fashion, in the tradition of Mondrian. He comes from London and has been living here for five years. His grandfather drew stained glass windows for churches, his father did cartoons, and when he started school he was surprised that his friends did not have artist parents. With them, he saw many exhibitions, museums and works of art.

You have to see to learn. In England, at the Beaux-Arts, you write, you read, it's very intellectual, not visual. The great artists are always outside the analysis. There is something that escapes, that cannot be held by words. The critic has to live, to write, to show that he is a real specialist because nobody understands what he says. This can block the viewer's vision. It's very difficult to watch today. There are images everywhere. When we speak, we have to wait for the cars to pass before we can hear each other; it's the same thing with vision, we have to stop.

The invasion of images, their acceleration, is one of his concerns. Leaving London and arriving in this village in the Aude region have visibly marked his perception of the world.

The last ten years in Europe have seen a change in people's sensitivity. Decisions are taken in the short term. I learned that here, because time is the vine, a natural time. In London time has become mechanical, it destroys the human. At the opening of the exhibition, many people from the village came by. Most of them, I think, had never seen this kind of thing. The questions were genuine. Elsewhere people often ask questions only to demonstrate their knowledge.

Tony Harding's abstract, geometric painting can play in warm colours but also in black and white. He parallels his approach with that of the Cathars. It is not a question of theology but rather of stripping away, of erasing the individual, the painter, in favour of a work that gives the spectator the opportunity to discover himself. He says of his paintings that they do not seek comment but silence. This is the opposite of the romantic conception of the artist. But he not only found a certain art of living, he also discovered colours.

The light struck me immediately. It shows the colours. I have always used dark tones, here the light has freed me. I take colours from nature, not consciously, but then I recognise them in my paintings, I know where I have seen them. I use yellows and purples that I couldn't find in England, and also greys that you can't play without light. Look at those shutters, the warmth of that grey. And the gates with the mark of time that has passed, you could take them as they are and display them. My studio is in an attic, I made openings in the roof and put in Velux windows. I work with pigments and natural light. The pigment is very sensitive to change the colour, much better than the tube.

The morning is spent on the terrace of the bistro in Azille, Tony Harding talks passionately about his painting and the world. He seems torn between a deep humanism and a fundamental pessimism, but it is most often the humanism that he paints, despite what he may say about the ardour of painting, unless it is to join the paradox of the beginning.

The painter works alone, when he stops working he is like a madman because he joins the other humans. In the studio he is not human.

Jean Pougnet

L'oeil voyant et la sorcière (on recent works by Tony Harding) :

Tony Harding's recent works are too obvious to hide anything. They are there, simple, beautiful, perfectly balanced in registers of simple forms, radical geometries, deceptively frank colours - in reality mutant - mixed most often in a binary mode. The compositions are rigorous, almost brutal, or as it were unadmitted, and attenuated by roundness.

Yet it is necessary to say and state how. They are "by virtue of the fact that their displayed simplicities meet a requirement. They are indeed in conformity with what the eye demands. And one must first grasp them for themselves, and grasp them in this way because the eye is assured of finding a freshness in them that it cannot feel at first, simply because it is intimately its own. The eye can therefore only lead us to think a necessary condition, a foundation on which an imaginary can be born.

But the imagination thus summoned can neither be tranquil, nor easy, nor as simple as the representation that provokes it. Tony Harding appeals to a "seeing eye" that abuses us in order to better lead us. This is beyond the gaze, in a fourth dimension or another more unknown and even more underestimated one, described by Lawrence Ferlinghetti (1): "it (the seeing eye) saw everything and understood nothing, yet it saw and understood everything except myself.

It is that the posture that the seeing eye imposes on us is to go beyond the formal anecdote, the stimulus of colours, these trapped fragments that we hold for a totality. A totality, moreover, that is fragile, because it is only a sum of which any new element, internal or external, added or subcontracted, would break the balance.

In reality, a rupture has occurred or a mutation. Our ordinary eye of the beholder is in its turn, or its turn has come, a "seeing eye". Consequently, we cannot let our imagination go, but paradoxically we can only assign it a new imaginary by a new order of laissez-faire. We must, to use a famous formula of Sol Lewitt (2), open ourselves up to irrational judgements leading to a new experience, provided that a thought, also irrational, arises absolutely and logically.

Tony Harding's work operates at this point in a kind of exchange... Since we share this seeing eye that he has instituted, we must in return accept and assume his invitation to make action happen, like him. For at the heart of his proposals is the certainty that beauty is imagination made action. This amounts to positing beforehand - and this is decisive - that we must experience the concreteness of an action through a prior reappropriation of abstraction! That is, probably, a way of being in the world, an ethic.

For there are many other knots of meaning at the heart of this series of works. First of all, we will remember the biases or thresholds set out by Kandinsky for a "historical" necessity of abstraction as "the aesthetic quest for an idea" (3). To which we can add Toni Negri's more contemporary remark: "outside the abstract, there is only the indecency of a natural life that is already dead" (4).

We must then return to what is at stake in Harding's recent works. His proposals amount to confronting us - and himself - with an arbitrary representation given as fixed but whose virtuality is displayed at the same time. This is a kind of stakes, and each work renews the stakes. The stakes only make sense in terms of maintaining a balance, because the destiny of his coloured forms is not to fit into the frame he assigns them, but on the contrary to fall out of it, to escape from it, to go outside the frame. This is a kind of dialectic between two logics that have absolutely occurred and materialized. The one that holds the frame, the inside, and the one that, from the outside, assaults it. Now this "abstract" device is paradoxically similar to an effect of naturalness. Thus, if resources are lacking, animal or human populations grow or decline and/or nomadize. This abstract is therefore always threatened by a deadly living!

The challenge that Tony Harding imposes on himself by playing with these fragile balances is therefore to maintain a pure abstraction that forbids any return - and particularly any return of the seeing eye - to the effect of nature. This is why he is forced to adopt a position between logics, because to allow the outside logic to break through against the inside logic, or to allow the inside to spill out, would inevitably condemn his creative action. Moreover, all logics that are accepted or more accepted than others are dangerous because the "too logical is deceived by the witch" (W.H Auden). And the witch of the artist is never elsewhere than in himself. Just as ours are in us, of course.

The strength of Harding's recent works is fed by this vital tension, where the abstract finally makes the concrete predictable and acceptable. It is this tension that captures and seduces us. And their beauties, like sublime mathematics, stun us and inhabit us. They could even frighten us if they did not carry a reassuring building gesture. It is all of this, of course, that immediately stops us in our tracks and testifies to the mastery and relevance of Tony Harding's current work.

Daniel Bégard. 2.11.07

Notes:

  1. Lawrence Ferlinghetti, "La quatrième personne du singulier," Julliard 1961.

  2. Sol Lewitt, "Sentences on conceptual art," 1969.

  3. Kandinsky, "Du spirituel dans l'art," 1955.

  4. Toni Negri, "Art et Multitude," Atelier/Epel, 2005.

Tony Harding tames the light.

This English artist lives in Azille with his wife and three children. This contemporary art painter is the very example of a European citizen. Tony Harding, an English painter, settled in Azille three years ago with his trestle, canvases and luggage in a house in the old town on the avenue des ramparts. With his small family (his wife and three children), he came straight from the Isle of Wight (in the South of England), well known for its rock festival.

Tony Harding sums up the reasons for this 180-degree change of direction very simply. I am first and foremost a European. By coming to France and to Azille, I wanted my children to grow up in a European country where ideas and moral values have not been colonised by the Americans. This native Englishman, born in London, experienced during the Thatcher years an England that changed its political orientation, forsaking the European continent to move closer to the United States. I like contemporary American artists, but I don't want to be influenced by their country and the materialistic, soulless and morally bankrupt values they promote. With them, it's always the law of the strongest and the hero is often confused with the villain," he explains with a very British accent. Goodbye to moving the Isle of Wight 950.

In 1990, the Hardings decided to leave their island and land on the old continent. After spending a few weeks in Fraïsse-en-Corbières, they found the "ideal" village in Azille. Tony Harding did not hesitate to visit 35 towns in the region in one week.

It is now Tony's turn to take up the torch in a completely different register. A contemporary art painter, he never thought he would follow in his father's footsteps. "He was one of the best in his field. I saw him draw every day, so the magic was gone, so I naturally turned to another path.

In the space of three years of living in France, Tony took the time to find new reference points in everyday life and in his painting. The first thing the artist noticed was the change of colours. I noticed that I was painting lighter and brighter than in England. The influence of the sun and the landscape, he explains. From the skylight of his studio, where he enjoys dreaming, he contemplates the Minervois. "This country is steeped in many cultures. The Romans, the Visigoths, later the Spaniards and even the English (the Black Knight had Azille burnt down) came here", he says, his eye fixed on the horizon.

Today, Tony is preparing several exhibitions, including one next year at the Maison du Chevalier in Carcassonne. "What I like here is that the village has kept its character. It is not crossed like many others by a 'national' road, it has kept its soul," he confides.

"Unlike Britain, where unemployment has broken down family units, here in this wine region people have real family values. To understand who you are, you have to know where you come from.

Now settled in Azille, Tony Harding has finally found the ideal context to paint his contemporary art. To do this, the man often isolates himself. When inspiration knocks at the door of his studio, Tony F Harding paints. In this old attic, bathed in sunlight through the skylights, the artist can let his imagination run wild.

Creation has always been his domain. He has always been a painter and has had many jobs in communications, even working for the Financial World. But this artistic fibre certainly also comes from his roots. My father was a well-known cartoonist who worked for newspapers. That's the equivalent of Sampé at home. My grandfather was also an artist because he renovated old houses.

Tony plays with colours, using simple rectangular shapes. His main job is to tame the colours and light in the paintings. However, he concludes by saying: "You can read a painting, but you don't necessarily have to express what you feel. That is the freedom of each individual.

Patrick Bessodes

Pierre Manuel

Interview with Tony Harding on the Untitled grey Series

February 2002

A Minervois village. A simple house on the edge of the ramparts. In the attic, the studio of an English painter, highly unlikely in this location. Transparency and luminosity, color variations are absent from his work. The painter's gaze has turned away from the flowering of the world and has long since refused the challenges of the more-than-modern. Only the broadening and densification of temporal experience haunts him. Freeing space from the things that are born and die in it, occupy it or move through it; rescuing time from the particular, oriented temporalities in which it is embodied and dissolved. As in a few monoliths where time is captured, the painting seizes space from itself, intertwined surface and background.

Across the language divide and the gap between visual and conceptual language, the interview attempts to approach this original space.

P.M.: Apart from a few canvases in the studio that have retained contrasting patches of color, most of your work plays on variations of black and gray. Is this a distrust of color? Or do you attach a particular plastic or symbolic value to black?

T.H.: I've been using colors for years: they convey emotions and sensations, from sadness to joy. There's an emotional content in the very nature of color. But they also provide a form of entertainment, a diversion. In a pretty blue or a pretty red, there's a sensual, sensory pleasure. I'm trying to get rid of this form of entertainment by focusing on the notions of rectangle, vertical and horizontal. There's nothing complicated about these forms: what's essential is the power of painting to act, even through reduced paradigms. The "Untitled grey series" was started 4 years ago; now I want to make paintings that, while faithful to the Western tradition of painting, transcend their physical potentiality to express a memory, a thought that exists but remains indefinable. This aspiration is obviously irrational, but I sometimes think that rationality is just a less advanced form of madness...

P.M.: The techniques you use enable you to obtain homogeneous, almost smooth surfaces. Why is that?

T.H.: Techniques are merely means, and as such are of little importance. For drawings, I use Indian ink on paper. For paintings, I use an acrylic binder and pigments; depending on the lighting or the painting, I apply up to fifty very thin layers very quickly; without any trace or gestural expressiveness. I try to achieve a unity of surface by treating it in its entirety in the same way. No breaks or gestures are introduced. There is no development or progression in what I do: I try to avoid any notion of linear time. The "images" have no starting point, no visible trace of overprinting and no end, except for the edge of the canvas, which then also becomes part of the overall composition.

The drawings form a parallel sequence; although linked to the paintings, they have an independent reality and function as a context. In a way, the drawings are imprisoned by the shape of their composition and by the frame (and the glass). The paintings, on the other hand, are limited only by the edge of the canvas; the image remains free to dissolve and reconstitute itself in the viewer's eye. One is fixed; the other flees. One is concrete; the other flux.

P.M. : The interplay of verticals and horizontals, and the way the surfaces fit together, are reminiscent of architecture. Not as a building, but rather as a concentration of forces, a focus of energy.

T.H.: If architecture consists of placing forms in space, I'm not interested. On the other hand, if it's a question of breaking up these forms to free up the space between them and around them, then that's something else... Energy is a difficult notion to pin down, as soon as you move away from a linear schema, with beginning and end, inside and outside. It would be better to approach it through paradoxes. For example, the paradox between the fixed image of the painting and the movement of perception, which opens up new avenues, inventing the meaning of its movement. If the forms are not falsely delimited, they leave the space open. Energy could be this opening in the closed space of the painting. In a rough translation, we could use the oriental formulas:

Form is emptiness and emptiness is form.

Form is nothing other than emptiness;

The void is nothing other than form.

What is form is emptiness, and what is emptiness is form.

(Prajma Paramita Hridaya Sutra)

P.M. : In the superimposition of surfaces, there is a constant flow of background and shapes, to the point where it's impossible to distinguish one from the other. How can you not think of Mondrian or even Constructivism?

T.H.: At the end of the 1960s, I visited many private and public galleries in London, particularly the Annely Juda Gallery, which was the first to show Russian drawings and paintings from 1912 (drawings by Malevitch, paintings by Popova and El Lissitsky). I reacted very strongly to the way Malevitch posed space, or rather non-space. In Cubism, both space and objects had been fractured; in this fracturing, a balance was nevertheless found: a 'symbiosis'. In Malevich, the coloured forms are like dynamic phrases, letting the background of the canvas breathe, in a kind of respect. Space is this breathing space between the forms and the background. The space between words is as important as the words themselves; without it, they cannot be read.

In Mondrian's work, the coloured shapes are not placed on a white background as decorative elements; they are articulated with the background, which is itself a painted surface. This articulation is never shown for its own sake: forms and background find their place in the total work, according to a mutual respect and a relationship of balance. Hence the disagreement with Van Doesburg over the use of diagonals, which would upset this balance.

P.M.: The idea of totality comes up a lot in your work; it's as difficult to define as the idea of energy. It can't be confused either with the unity and cohesion of elements assembled on the same surface, or with an attempt to totalise the history of art. But how can we approach this idea?

T.H.: When a painting succeeds in freeing itself from its own components and 'flying' towards something beyond the painting, towards another dimension of time - that of memory - then there would be something of this idea of totality. Brice Marden said: "The rectangle, the plane, the structure, the painting are not just harmony tables for the mind". What is essential is the passage from the material elements of the painting to a non-material space that we might call "empty". This word suggests an idea of coldness, of sterility; we spend our lives filling this "void": with activity, with objects, with material forms. Daily life excludes all non-material elements. But all human beings seek to "come home". Not home, but into the realm where they will finally be liberated. The "void" is this home as a true place of refuge. We mustn't think of this 'emptiness' in terms of fear. In Rothko's paintings, for the first time, I felt someone seeking this refuge. Both by dematerialising the components of the painting and by proposing this place of refuge.

Interview conducted on 14 February 2002 by Pierre Manuel